« Je n’ai rien à te dire sinon que je t’aime. »
En arrêt devant la vitrine, Charles Loquosme, le plus fin des meilleurs limiers de la PJ s’interrogeait, à défaut de quelqu’un d’autre puisque nul suspect n’était en vue, tout comme aucun témoin ne s’était manifesté.
Il traînait des pieds. Franchement, ce n’était pas une affaire pour lui. La vieille rengaine des chats à fouetter.
Qui avait bien pu écrire une telle déclaration sur cette vitrine, qui avait mis le gérant de la boutique dans une colère noire. Charles Loquosme n’avait pas manqué de le ramener au calme en lui indiquant qu’il avait échappé à plus infâme, à plus insultant.
Ah ce n’était pas une déclaration enflammée, non, en bleu convenons que c’était assez glacial. Mais ça faisait parler ou jaser dans la rue.
Si l’on n’y mettait pas bon ordre, le gérant de la boutique allait en faire une jaunisse.
L’enquête démarra mollement.
Une fois que le légiste - convoqué par erreur – eut été renvoyé à son public habituel, la technicienne scientifique dépêchée sur place ne décela aucune empreinte, comme pour surligner et signifier qu’on n’avait pour le moment pas la moindre trace à suivre.
Peu enclin à penser qu’un fantôme avait fait du mauvais esprit, car c'est son expérience qui parlait, Loquosme préféra divaguer.
Manière de se détendre. Il se disait qu’un bavard facétieux adepte de Gainsbourg aurait rajouté « moi non plus », mais il n’y avait pas la place. Dans ce cas, soit il s’était abstenu. Soit il était passé à l’acte, coincé en bas de vitrine sans pouvoir terminer, ce qui renvoyait à quelqu’un qui avait du mal à planifier, en pleine colère peut-être, bref un impulsif. Ou un désinvolte.
Une influence était-elle envisageable du côté de Ferrat-Aragon ? C’est si peu dire que je t’aime. Et c’est si peu dire qu’on n’en sait fichtrement rien.
L’hypothèse qu’il n’apprécie pas Johnny pour son manque d’inspiration un peu répétitif était-elle valide ? Que je t’aime, même trois fois, lui aurait paru un peu court…Là, c’était plutôt que je sèche.
L’enquête piétina donc mollement quelques jours. On mit une voiture en planque près de la boutique. On restait en pleine impasse.
Et puis, inopinément, «il» se constitua prisonnier. Il avoua.
Un désir irrépressible de basse vengeance l’avait saisi et enflammé après un entretien de recrutement où on l’avait recalé.
Ce que le gérant -qui se remettait de sa jaunisse- confirma.
C'était un rédacteur de lettres anonymes en mal de reconnaissance, amateur de karaoké.
«Il» avait voulu montrer qu’en techniques marketing, il y avait la lettre mais aussi l’esprit. Contrairement à ce qu’on lui avait laissé entendre.
Pas sûr qu'il se soit fait comprendre finalement...
La suite de l’histoire ne dit pas si une seconde chance lui fut offerte.
J'arrive de chez "Plumes d'anges" qui cite « Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs) » de Marshall B. Rosenberg 1934-2015, et que vois-je ici ?! C'est éloquent.
RépondreSupprimerLes coïncidences, belles intersections, croisements et recontres !
Supprimer- Je t'aime, je t'aime, je t'aime...
RépondreSupprimer- Trois fois, je t'aime ? (Simone, "Le télégramme")
Taulière fan de Loquosme, lui-même apparemment fan de l'inspecteur Clouzeau :))
Loquosme, effectivement, est appelé à connaître quelques aventures !
SupprimerUne jaunisse due à une colère noire suite à des mots doux peints en bleu glacial...très inhabituel en effet.
RépondreSupprimerLe légiste, heureusement, n'était pas loin, au cas où...
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