et n'hésitez pas à lui commenter
l'affaire !
Sinon, pour les Diffractions,
c'est là !
Quittant la médiathèque aux lumières refermées et aux
portes éteintes jusqu’à demain, la bibliothécaire enfourche son vélo au
guidon chromé, on la devine cycliste accomplie, elle rentre chez elle et nous
ne saurons probablement jamais si, dans la soirée, elle s’est mise à lire.
Elle ignorera peut-être que sur son lieu de
travail, pendant ce temps, un voyageur qui se serait égaré dans les blancs ou
dans les marges, dans les salles redevenues désertes, pourrait se dire qu’un
nouveau cycle journalier s’est achevé et
que pourtant la roue tourne, brassant un imperceptible changement dans l’air
silencieux de Babel.
Nous pourrions en parallèle supposer qu’un tel
voyageur ne s’est peut-être pas perdu, qu’il préfère l’attente au voyage,
qu’il aime entendre le silence et, plus que tout, l’écouter.
S’il tendait bien l’oreille, peut-être
décèlerait-il dans un frottement de l’air quelque chose comme l’heure exquise,
un moment où semblent soudain bruire doucement, comme une conversation qui
tenterait une sortie, quelques mots furtifs, assourdis par un invisible film
de poussière et presque étouffés par la verticalité serrée des pages.
-
Quelquefois même, il y a assez longtemps, vous étiez dégoûté de la
littérature ; vous disiez : la littérature, c'est de la merde, qu'est-ce que
vous vouliez dire au juste ?
-Ce n’était qu’une réaction épidermique, un
agacement envers tous ceux qui lisent aux toilettes et ce que je voulais
dire, au fond, n’était que l’expression d’un changement, mon propre changement,
j’étais juste passé du stade anal au stade oral, une progression notable car j’étais
parti de « la merde, c’est de la
littérature » qui j’en
conviens était un peu simpliste.
L’incongruité d'un tel échange ébranlerait alors fortement
le voyageur, au point qu’il finirait immanquablement par se dire, un
peu imprudemment, qu’il a mal entendu ou bien, en une hypothèse
hallucinatoire, qu’il n’a pas pu entendre cela ailleurs que dans son propre rêve.
Tout à ses pensées, il ne discernerait pas certains
remous ou replis discrets également réprobateurs, y resterait inaccessible,
presque hermétique et se couperait du clapotis de pages tournées, du frissonnement
de couvertures refermées, ailes de moulins vibrant dans un étrange labyrinthe
peuplé de miroirs et de portes secrètes.
Alors, un peu comme le voyage nous change, un peu
comme lire c’est voyager et voyager c’est lire, c’est très certainement le
moment que le voyageur choisirait pour changer d’histoire. Ce matin, la bibliothécaire reprend son poste, elle pose son vélo - la place habituelle, l’antivol - et nous ne saurons pas à cette heure ensoleillée ce qu’elle sait ou imagine, pas davantage ce qu’elle ne sait pas, nous supposerons seulement qu’elle est sensible au goût de liberté que procure le vélo, qu’elle apprécie -mais vraiment- quand ça monte et qu’elle ne peut se passer très longtemps des petites routes qui traversent le cœur des forêts. |
Dedans.
RépondreSupprimerOn y entend parler les mots qui émergent des livres, des sons sourds mais si vivants.
Dehors c'est une autre histoire de roues libertaires.
Plaisir de lecture, ta mission est parfaitement accomplie!
Un texte construit tout en symétrie , en fait.
SupprimerLe dehors enserre le dedans.
Sous le charme !! En plus une bibliothécaire qui aime les côtes en vélo, c'est le top (sans jeu de mots). Bravo pour ce texte délicat mais non sans les habituelles touches drôles et baroques, le K'style en quelque sorte, et son climat un peu mystérieux, qui est celui de tous les lieux vides lorsque l'humain enfin laisse respirer les meubles, les murs... et les livres !
RépondreSupprimerEncore bravo confrère, et à la revoyure...
Merci chère consœur, j'ai dû emboîter avec ce que vous me proposâtes ! J'ai tenté une synthèse !
SupprimerTiens, dimanche, ici-même des nouvelles de ta romancière m'a-t-on dit !
"Si par une nuit d'hiver un voyageur", se perd dans une bibliothèque...
RépondreSupprimerCette conversation qui tenterait une sortie, sont-ce les livres qui dialoguent entre eux en une intertextualité non mesurée ?
La bibliothécaire, par ouïe dire - et surtout grâce à diffractions qu'elle lit assidument - a su ce qui se passait la nuit et un jour...
Vous connaissez votre intertextualité sur le bout des pages !
SupprimerIci comme chez La Taulière, les voies de l'écriture sont impénétrables ... Vous vous y entendez à vous deux pour semer le trouble chez le lecteur ! D'un ccôté, une haie où une micro-intrigue se laisse apercevoir, de l'autre une bibliothécaire fondue de bicyclette et des fantômes qui s'apostrophent...
RépondreSupprimerJe me suis égarée dans vos deux récits, voyageant de l'un à l'autre ce qui a aggravé mon état de confusion avancée.
Au final, deux beaux pieds de nez à la contrainte et à l'imposture du roman au kilomètre !
Et ceci ne fut pas concerté, madame la présidente, je le jure !
SupprimerPasser du stade anal au stade oral, c'est tout un art. Maintenant je me pose la question: Quand on la "la tête dans le c..." (selon la sacro-sainte expression), les mots, même s'ils sortent de la bouche, sont quand même toujours au stade anal, vu que la bouche est enfoncée dans le c...? Pardonnez-moi ma côté trublion, mais cette question me prend littéralement... la tête. ;-) Belle soirée et merci pour ce bon moment de lecture.
RépondreSupprimerPasser du stade anal au stade oral, c'est du sport finalement si j'ai bien compris ce raisonnement un peu cul par-dessus tête.
SupprimerPour les détails, aller sonner chez un proctologue, mais aura-t-il un divan ?
vais aller faire un tour chez la taulière donc
RépondreSupprimerTU n'y perdras pas ton temps !
SupprimerLa bibli sur deux roues, la biblio sous la lune et le lecteur au petit coin - dites donc !
RépondreSupprimerOserais-je une citation ? "L'extraverti est plus exposé que quiconque à cette diffraction de la force réflexive" (MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 652).
Mounier, il a peut-être un bouquin dans la bibli ?
SupprimerC'est ça que ça veut dire ;-)
C'est compliqué d'arriver en retard. J'ai lu le texte de la bibliothécaire à vélo, jusque là, tout va bien. Chez la taulière, je tombe sur un article causant de SNCF. Pourquoi pas, mais ça ne s’emmanche pas comme prévu...
RépondreSupprimerC'est moi qui suis comme un manche : erreur de page !
Ainsi donc, la bibliothécaire amourachée du vélo, se déplace en tondeuse à l'occasion des futures grèves des chemins de fer.
Ben fallait le dire !
Merci d'avoir tout compris ! Ca ouvre des pistes (cyclables) sur la voie (ferrée)...
SupprimerLa Taulière
Erreur de page, avec ce qui se trame dans la bibliothèque, c'est pas étonnant ;-)
SupprimerLa Taulière > oui, au moins, quelqu'un qui n'est pas resté à quai.
SupprimerOui, et espérons qu'on ne fera jamais partie de la communauté réduite aux à quai...
RépondreSupprimerLa Taulière
Donc ne pas rater les correspondances.
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