Propos peut-être mal à propos...

Alors voyez-vous,
Je n’appréciais pas Jean d’Ormesson. 
Je n’appréciais pas non plus Johnny Hallyday.
Ce n ‘était pas mon territoire culturel, ma patrie de cœur.   
Ce qu’ils ont pu faire ou produire ne m’a jamais intéressé.  

J’ai donc en conséquence soigneusement éteint tous les boutons.
Une précaution personnelle qui m’a permis de me tenir à l’écart, d’échapper -un peu- à la déferlante.
J’ai toutefois, à l’écart donc et à tête reposée, lu.

Et je conteste vigoureusement qu’il apparaisse implicitement que pour être vraiment humain il ne faut pas résister à l’émotion préfabriquée que nous imposent dans ces moments-là les lèche-bottes du prêt-à-pleurer médiatique, les opportunistes de la liturgie et leur usine à clichés, leurs discours réducteurs de spécialistes improvisés qui ne savent rien, et j'en passe. 

Cela me paraît déplacé, indigne, à commencer pour ceux qui sont touchés, et ce que je ne comprends pas c’est comment ils font ? Comment toutes ces personnes sincèrement touchées supportent-elles cela, survivent-elles à ce déballage, ce show ? 
Je suis à peu près sûr que parmi elles certaines sont mal à l’aise.   

Car je ne conteste pas une seule seconde que l’écrivain et le chanteur aient touché les gens, goûts et affinités, qu'ils "fassent partie" de leur vie, de leur histoire, et qu'au nom de cet attachement, de cette affection certains soient émus et tristes. Chacun de nous connaît cela quand une part de son "patrimoine affectif" disparaît physiquement.  

Alors ce show... 
Ce n’est pas ainsi que je vois les choses.
Et chacun fait comme il peut.
Nous avons tous intimement nos joies, nos peines, nos peurs, nos fêtes, nos morts.
Les miens sont avec moi et cela ne regarde pas grand monde que mes proches.
La peine, l’indicible, l’intime…
Pour moi joies, peines, vie, mort, c’est notre condition d’humains, et c‘est -en dépassant nos choix et désaccords- ce qui nous rassemble vraiment.

9 commentaires:

  1. Je te remercie pour ce texte, car il me correspond à 98% (il faut toujours se réserver un petit pourcentage d'autonomie et de particularité... )
    Mais les médias sont là pour faire du bruit, du battage. Rassurons-nous : quelle que soit l'ampleur des débordements et des excès, cela se fanera très vite, au profit de nouveaux emballements aussi vains. Alors on peut éteindre la TV, ou la laisser allumée sur Mezzo.

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  2. 98% aussi ! Je ne changerais pas un mot à ton billet... N'ayant pas la télé, je me suis contentée d'un hommage discret et très bien choisi sur France Culture à l'heure des Papous : diffusion de Johnny chantant Brassens (un p'tit coin d'paradis). Fraîcheur, justesse de la voix - car cet artiste, au demeurant, a été un très gros travailleur et sa voix s'en est bien trouvée. De ce qui n'est pas non plus ma patrie, je sauverais quelques titres (qui doivent se compter sur les doigts d'une main). Quant à d'Ormesson, écrivain pour les lectrices du FigMag, je ne le lis pas mais c'est un merveilleux causeur et je l'ai écouté avec plaisir ces jours-ci sur France Culture itou. Des boutons tournés, mais sur de bonnes trouvailles. Le reste, le bruit, le vacarme, les larmes de croco.. Bof. Comme dit Hacheme26, cela se fanera...

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  3. On peut pleurer et être sincère, il n'y a pas que des crocodiles dans notre marigot! A chacun ses joies et ses envies, à chacun ses souvenirs aussi. J'ai aimé les deux, dans des registres bien sur très différents et il y avait, je trouve chez eux et parmi leurs quelques points communs, une sorte d'élégance à apprécier et goûter la vie! C'est un peu ce qui fait défaut dans notre petit marigot!

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    1. Touchée ! Merci de me permettre de rectifier un peu mon propos : non, il n'y a pas que des "crocos" ! Mais les larmes vraies, les désolations sincères que ressent chacun.e de nous lorsque disparaît un artiste aimé, elles ne passent pas à la télé ni sur les radios, elle ne font pas les "unes". Je ne parlais bien sûr que des autres, celles qui sont complaisamment mises en scène au sein du vacarme médiatique. Les autres, les vraies, ne font pas de bruit :)

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  4. Ce que vous dites m'a rassurée ;) Car, lorsque le jour de la mort de J H, j'ai mis le journal de la 2, j'ai remarqué au bout de 30 minutes qu'il n'y aurait pas de journal, le monde s'était arrêté ! Étrange, me suis-je dit...

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  5. Bonjour bonjour. Je pense que dans la foule des anonymes samedi à Paris, il y avait beaucoup de gens sincères. Ce qui m'a gênée, c'est la récupération politique de ces départs, aussi bien celui de Jean D'O. que celui de Johnny. Mais tout cela va se calmer. N'empêche, je comprends la tristesse de bon nombre de fans. Belle semaine.

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  6. > A tous : merci de vos passages et contributions.

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  7. Je me suis retrouvée dans les mots de ces commentaires. Grand inconfort ce jour-là.

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    1. Merci pour tous, Lou, bienvenue et à bientôt peut-être !

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