Ce samedi
matin, quelques obligations m’ont conduit à la poste.
La veille, j’avais
relevé au courrier un avis de passage, un peu chiffonné, où je découvris ou
plutôt ne découvris pas de nom puisque la case du formulaire était vide, l’adresse
était toutefois correcte et il y avait un numéro de colis.
Bon bon bon.
A priori
comme personne à la maison n’attendait rien de particulier, je fis une recherche
en ligne qui… n’aboutit pas, le numéro
de colis étant inconnu, ce qui m’amena à cette décision et cette perspective
qui, allez savoir pourquoi, ne m’enchantent jamais vraiment : demain je
passerai à la poste.
Demain nous
y voilà. N’exagérons point, j’y vais en marche avant quand même !
Je passe le
seuil du bureau de poste et rebrousse chemin : le lieu est très populaire et
donc fréquenté, je me rappelle qu'il semble que l’accès en soit gratuit, c’est peut-être
pour ça ... et je tente illico une fine manœuvre dilatoire qui me permet de faire une
petite course vite fait à la supérette juste à côté avec l’espoir, le fol
espoir - oui c’est vrai (air coupable) – que ça aura un peu déblayé à la poste.
Lorsque j’entre
à nouveau, je comprends que j’ai sans doute fait ma petite course trop vite.
Mais cette fois-ci je reste.
Comme j’ai
un peu de temps pour observer, je remarque qu’il y a trois personnes aux
guichets et je commence à verser dans un optimisme sinon béat du moins
raisonnable.
Paradoxalement
je constate que mécaniquement, plus il y a de monde derrière les guichets plus la
queue s’allonge… Surgit alors, pure hypothèse de ma part, que c’est peut-être une
simple question d’organisation, mais je ne veux pas être intrusif.
Je passe
ainsi dix minutes studieuses pendant lesquelles je vérifie que pour la suite de
mon périple (boulangerie puis médiathèque) j’ai bien tout ce qu’il me faut. Je le
fais deux fois et une fois que j’en suis absolument persuadé, comme il me reste
un peu de temps je lis toutes les publicités sur les différents colis et
emballages proposés.
Quand j''arrive au guichet, nous sommes
toujours samedi matin.
Bonjour madame,
j’ai un avis de passage mais est-il vraiment pour moi, je ne sais pas, il n’y a
pas de nom. Mais c’est bien mon adresse et, tenez, voici mon passeport.
La dame disparaît
(ah l’étrange sensation qui peut nous étreindre quand on se dit pourvu qu’elle revienne…) et elle cherche le colis dans la
réserve, je ne sais trop quel indice ou quelle clé elle utilise pour mener
cette tâche, toujours est-il qu’elle revient et déclare n’avoir rien trouvé.
Elle me dit
qu’elle va passer par le numéro de colis, une petite recherche informatique et hop,
miracle, délit d’initié ou compétence professionnelle – alors que la veille
rien à faire pour moi- elle trouve !
Et comme tout s’enchaîne, pour la première fois depuis que j’ai mis les pieds
dans le bureau de poste, je me dis que j’ai bien fait de venir.
Elle retourne
dans la réserve et revient peu après avec le colis dont elle commence à autopsier
l’étiquette. C’est au nom de ma fille. L’enquête progresse.
- Vous avez une procuration ?
C’est à ce
moment-là que je commence à sortir rames et avirons, délicatement, pour ne pas éborgner
la foule qui s’entasse dans la queue.
-
Non, pas sous forme papier. Mais il y a quelque temps nous avions renseigné
des formulaires en ligne, peut-être que…
-
Oui, on va regarder ça mais on va attendre ma
collègue pasqueu je sais pas le faire.
Plein de trucs
s’allongèrent à ce moment-là de cinq minutes, je vous en épargne la liste.
Cinq minutes
plus tard, donc, la collègue est disponible, elle en a terminé avec un moment
délicat car elle ne comprenait pas que l’usager qui s’adressait à elle, en fait
selon la terminologie DRH le client et selon la mienne mon camarade de lutte, voulait
réexpédier du courrier et donc il souhaitait une simple enveloppe format A4 pour
exécuter cette tâche singulière particulièrement inconnue semble-t-il des services
chargés du courrier dans ce pays.
En toute
solidarité, je lui glisse en passant, vu que j’ai un peu de temps :
- - C’est pas facile hein ?
Allez savoir
pourquoi, il acquiesce.
Il finit par
venir à bout de son épreuve, s’acquitte de quatre euros avant de continuer, sûrement
pour l’épreuve suivante dans la salle du père Fouras.
Et hop l’horizon
semble s’éclaircir pour moi, la collègue de sa collègue a vérifié, il y a bien
une procuration mais c’est de ma fille uniquement vers ma femme et donc ce n’est
pas votre nom monsieur.
J’essaie de lui
expliquer que si, c’est mon nom, parce qu’étrangement on s’appelle tous pareil dans
ma famille et que finalement tout concorde : les noms, les adresses, je
lui fais cadeau de l’ADN car ça prendrait du temps, etc… et DONC elle pourrait
me le donner.
…
Bref, c’est là
qu’elle me dit il faudra revenir avec la procuration signée.
…
C’est là que
je me sens soudain comme un chêne qu’on abat.
Et elle
donne une précision, un détail piquant au passage : on garde les colis
quinze jours ce à quoi -in petto- je me dis ça ne m’étonne pas, vu qu’en trente minutes
j’ai pas réussi à récupérer le mien il doit bien falloir deux semaines pour tout écouler et que
tout disparaisse …
C’est là que
je me dis n’insistons pas, je sens que je fatigue, qu’elle me fatigue, que tout
me fatigue.
Il faut dire
que derrière et sur les files parallèles, la foule continue de s’entasser ça
déborde jusqu’au sas d’entrée… Je décide
donc de battre en retraite, et de mettre fin à cette demi-heure de ma vie qui à
la réflexion pourrait bien faire partie des trois moments les plus épanouissants
et exaltants de mon passage sur cette terre.
Je préviens ma
fille, elle se mettra à jour OK et elle a remarqué un peu d’agacement (même par
écrit) dans mon SMS surtout dans la conclusion où j’écris « je sens que je
vais leur mettre une bombe ».
Passons. Quelle
chance ils ont qu’on ne soit pas armés quand même.
Je file
ensuite à la boulangerie, où je retrouve -ravi- la charmante personne qui nous
sert et puis basta direction médiathèque.
Je vaque. Je flâne légèrement.
Je
m’installe dans la file pour faire enregistrer mes emprunts.
La queue étant
un peu informe un monsieur me demande s’il n’est pas en train de me passer devant
(ce qui n‘est pas le cas) et donc de rallonger indûment mon attente.
C’est là qu’en
grand seigneur je lui dis :
- -
Pas du tout, et ne vous en faites pas, j’ai l’habitude
aujourd’hui, je viens de la poste.
Savoureux, votre texte. Votre histoire m'en rappelle une autre qui m'est arrivée et, comme vous le dites, parfois on voudrait tout faire sauter ;)
RépondreSupprimerEt on sait bien que ce n'est pas raisonnable !
SupprimerCompassion d'une qui a fait trois essais la semaine passée pour envoyer un colis tout simple, et qui par deux fois a renoncé, puis s'est acharnée la troisième. Essai transformé et je t'arrache le record : 35 minutes, qui dit mieux. La recette pour tout faire sauter avec des produits de première nécessité figure dans le savoureux "Gros Câlin", de Romain Gary.
RépondreSupprimerC'est beau la constance 😉
SupprimerPas de longueur dans ce récit de l'attente. On prend son temps aussi parce qu'on entrevoit à peu près l'issue ... de l'impasse !
RépondreSupprimerLe titre y invite aussi ☺
SupprimerSi la salle de la poste déborde, rien dans ton récit ne le fait. Parfait! Surtout son rythme...
RépondreSupprimerCette scène semble se répéter à l'envi, ET partout.
¿Qué pasa?
Merci pour le rythme à la leccture que je ne peux guère apprécier ou soupeser véritablement en étant du côté écriture...
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